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Les 21 et 22 août 1944

20/08/2021

À l’annonce de la Libération le 20 août 1944, les troupes allemandes se replient afin de gagner l’Allemagne au plus vite.

Elles affluent alors en groupes dispersés, au sud du Cher, pour passer la Loire et traverser la Sologne. A la tête de l’unité allemande Schnelle Abteilung 602, constituée de sept cents hommes organisés en quatre escadrons composés de cyclistes, une centaine de véhicules dont dix blindés et des canons montés sur auto-chenilles, le major Leye parti de Nantes fin juillet, passe à proximité de Tours pour remonter le Cher et gagner la Sologne jusqu’à Cour-Cheverny. De là, il fait partir trois convois vers Chambord : par Mont-près-Chambord, décor d’affrontements avec les FFI qui perdent deux hommes quand le village déplore treize morts, par Montlivault où le feu est ouvert sur la mairie et plusieurs maisons, tuant deux civils et par Huisseau-sur-Cosson. Pendant ce temps, les portes du domaine de Chambord sont fermées et des barricades sont déployées sur la route gardée par des sentinelles. 

Le 21 août 1944, vers neuf heures du matin, les Allemands qui pénètrent dans le parc de Chambord sont attaqués par les Forces françaises intérieures : un de leurs soldats est tué et enterré dans la journée à côté de l’église, tandis qu’un autre, une fois les barrages franchis, est abattu par balle aux abords du château. 

Tombe de l’Allemand Wenzel tué le 21 août 1944 dans le parc de Chambord et enterré près de l’église. Son corps ayant été rapatrié en Allemagne à l’issue de la guerre, il n’y a plus trace de cette sépulture.
Gonzague Dreux. Collection Dreux.

En représailles, les soldats allemands incendient plusieurs bâtiments, dont l’hôtel et l’école de Chambord, prennent une quarantaine de civils en otages et menacent de détruire le château et son précieux contenu. Tous, du chef de dépôt au curé, œuvrent à la libération des prisonniers et la préservation du château, sans pouvoir empêcher la mort de quatre d’entre eux en fin de journée. Un cinquième homme, Robert Gallou, lui aussi mis en joue, réussit miraculeusement à s’échapper. Ce dernier, alors âgé de dix-neuf ans, appartient à la Résistance de Chambord. Il signe le 16 décembre 1944 le procès-verbal :
 
[…] Nous sommes restés cinq parmi lesquels se trouvaient les Espagnols : Sales Michel, Castillo Moréno et Duque Otal, un cantonnier de Chambord et moi. Nous avons été gardés par trois soldats allemands jusqu’à la tombée de la nuit. Ensuite, nous avons été conduits par cinq soldats allemands, commandés par un sous-officier, et emmenés sur la pelouse du château où nous avons été alignés côte à côte, les mains sur la nuque. Après s’être retirés de quelques mètres, les soldats allemands ont fait manœuvrer la culasse de leur fusil. À ce moment précis, profitant de la semi-obscurité, j’ai bondi en zig-zag en direction des bois distants de 150 mètres environ et j’ai pu réussir à éviter la fusillade. Deux jours plus tard, c’est-à-dire le 23 août, je suis revenu à Chambord, après le départ des Allemands et j’ai appris que les trois Espagnols et le cantonnier, dont j’ignore le nom, avaient été fusillés.[…]

Pendant ces deux jours, les FFI, vite impuissantes face aux Allemands, et les hommes du village, notamment les ouvriers des chantiers forestiers réfractaires au Service du travail obligatoire, se réfugient non loin de Chambord.

Deux autres exécutions, de Paul Léon Bigot et Daniel Georges Hallier, ont eu lieu le même jour. Le premier est abattu au bord de la route de La Chaussée le 21 août 1944 vers 15h00 ; le second se dirigeant vers Montlivault à bicyclette et voulant éviter une seconde colonne allemande arrivant par la route de Saint-Dyé, se réfugie dans le bois près du Rond Saint-Louis ; son corps est trouvé le 12 septembre 1944, la tête fracassée d’une balle explosive, sa bicyclette par-dessus lui, mort le 21 août 1944 vers 14h00.

Le 22 août, vers 15h00, le major Leye quitte les lieux par la route de Thoury avec l’essentiel de ses troupes ; les dernières libèrent la place deux heures plus tard, non sans avoir à nouveau menacé de détruire le château. Croisant à la sortie du parc quelques forestiers qu'ils suspectent d'appartenir à la Résistance, ils en fusillent trois le soir même dans une commune voisine.



La ferme de Lina, au coeur du village de Chambord, presque entièrement détruite par les troupes du Major Leye le 21 août 1944.
Gonzague Dreux. Collection Dreux.

 
Une plaque commémorative est placée sur les anciennes écuries du château le 20 février 1949, jour de la remise de la Croix de guerre à Chambord, afin d’honorer la mémoire des neuf malheureux qui ont perdu la vie lors de ces deux journées tragiques.
 
Arrêté à Romorantin, le major Leye est inculpé en octobre 1949, avec quatre de ses officiers, pour les exactions commises dans différents villages, dont Chambord. Jugé coupable par contumace de complicité d’assassinats et de tentatives d’assassinats le 2 novembre 1953 par le tribunal militaire permanent de Paris, il est condamné à la peine de mort.